Agroalimentaire

Asie-Pacifique
Risque moyen
Europe centrale et de l'est
Risque moyen
Amérique Latine
Risque moyen
Moyen-orient et Turquie
Risque élevé
Amérique du Nord
Risque moyen
Europe de l'Ouest
Risque élevé

Résumé

Points forts

  • La production mondiale de céréales devrait croitre de 2% en 2025, à un niveau historique de 2,9 milliards de tonnes, garantissant des approvisionnements mondiaux stables
  • Les approvisionnements mondiaux de blé et de maïs seront particulièrement confortables
  • Les carnets de commande du secteur restent résilients, notamment en Asie

Points faibles

  • Le marché mondial des matières premières agricoles non-céréalières restera sous tension en 2025 (cacao, café, sucre)
  • La dégradation des ratios coûts des intrants / prix de la production dans l’agriculture fragilisent les revenus des producteurs à l’échelle mondiale
  • Les barrières tarifaires européennes sur les importations de fertilisants russes et biélorusses fragilisent les approvisionnements des agriculteurs européens
  • Les tensions à proximité du détroit d’Hormuz créent des incertitudes quant aux exportations de fertilisants des pays du Golfe Persique

Evaluation des risques sectoriels

Les prochains mois devraient confirmer les tendances de la fin d’année 2024 concernant les commodités agricoles. Nous maintenons notre scénario d’une évolution à deux vitesses, entre commodités céréalières et non-céréalières. L’excédent de production devrait garantir un approvisionnement confortable pour la plupart des céréales, alors que le déficit d’offre continuera de peser sur les matières agricoles non-céréalières. Les prix des céréales se stabiliseront à des niveaux relativement bas par rapport à la moyenne 2020-2024, mais 20% supérieurs à leur niveau de 2019. En revanche, pour d’autre matières premières, comme le cacao ou le café, les prix se maintiendront à des niveaux de prix inédits.

Contrairement à l’année écoulée, le risque météorologique lié à La Niña, et donc ses effets sur la production agricole, sera quasi-nul, puisque la période de neutralité actuelle devrait s’étendre jusqu’au T4 2025.

En revanche, l’augmentation des tensions commerciales mondiales depuis le début de l’année, devrait avoir un effet sur les échanges agroalimentaires mondiaux. Les mesures de représailles chinoises à l’encontre des produits agricoles américains et de certains alcools européens l’illustrent. Les tensions commerciales actuelles seront sans aucun doute le principal vecteur de risque pour l’agroalimentaire mondial en 2025.

Perspectives économiques du secteur

Les effets de la Niña ne seront plus perceptibles avant la fin d’année 2025

Le phénomène ENSO est entré dans une phase neutre depuis le début d’année 2025. Les prévisions de l’Organisation mondiale de la météo (OMM) et de l’Université de Colombia suggèrent qu’un état neutre est le plus probable pour l’année 2025. Les observations de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) confirment la poursuite d’une phase neutre en 2025, avec néanmoins un retour probable de La Niña au quatrième trimestre.

Les perturbations météorologiques (sécheresses, pluies torrentielles, ouragans) qui avaient marqués les 5 dernières années devraient continuer à se dissiper tout au long de l’année. La neutralité du phénomène devrait ainsi apporter un semblant de normalité d’un point de vue météorologique, épargnant à de nombreuses régions agricoles des dégâts considérables sur leur cultures – par exemple, les dégâts des ouragans dans le Golfe du Mexique sur les plantations d’agrumes de Floride.

L’excédent mondial de céréales efface les incertitudes d’approvisionnement récentes

La production mondiale de céréales augmentera de 2% en glissement annuel (g.a) en 2025, selon les prévisions de la FAO (après une croissance nulle en 2024), à 2 911 millions de tonnes cette année, et dépassant ainsi le niveau record de 2023 (2 856 millions de tonnes). Compte tenu d’une demande stable (2 733 Mt, +0,5%), l’offre devrait être excédentaire sur l’année à venir. La production de blé, de maïs, et de riz devrait y contribuer positivement, compte tenu de l’augmentation des surfaces cultivées et des prévisions de rendements particulièrement positives. Au niveau régional, nous attendons néanmoins des distinctions assez nettes. L’Europe devrait connaître une situation partagée entre de probables meilleures récoltes de blé et des perspectives dégradées pour la production de maïs. L’Amérique latine et l’Asie seront les régions-clé de cette augmentation de l’offre céréalière, particulièrement grâce à l’accroissement de la production de maïs et de soja. En revanche, les perspectives sont plus incertaines pour l’Amérique du Nord qui devrait accuser une légère baisse de sa production de blé, dans le sillage des Etats-Unis.

Dans l’Union européenne (UE), après une baisse sévère en 2024, nous attendons un rebond de la production en 2025, notamment grâce à des conditions pluviométriques et d’ensemencement favorables en France, en Espagne et en Italie sur la première moitié de l’année. Néanmoins, les températures supérieures aux normales depuis le début de l’été dans ces mêmes pays pourraient y dégrader les rendements dans la maïsiculture. La mise en place de barrières douanières sur les importations d’engrais russes et biélorusses par l’UE, depuis le 1er juillet, pourrait affecter négativement les approvisionnements des producteurs céréaliers européens et leurs coûts de production.

Outre-Atlantique, les perspectives de production de blé sont partagées. Elles restent proches de celles de l’année dernière au Canada. Aux États-Unis en revanche, la production de blé devrait légèrement baisser (-3% g.a) par rapport à 2024. En cause, les craintes de sécheresse persistantes. La production de céréales secondaires (maïs, soja) devrait en revanche croître aux Etats-Unis alors que la FAO estime une hausse des semis de 5% par rapport à l’année précédente.

En Asie, le temps chaud et sec observé en Inde a entraîné une révision à la baisse des prévisions de production nationales. Néanmoins, selon l’USDA le recours massif à l’irrigation en a limité les répercussions, et nous nous attendons à ce que 2025 soit l’année d’une récolte de blé record. Dans un contexte géopolitique encore précaire au Moyen-Orient, il convient néanmoins de noter que des perturbations potentielles du trafic maritime par le détroit d’Hormuz, seraient préjudiciables aux approvisionnements des pays asiatiques en engrais pour la saison 2026. En effet, certains, dont l’Inde, sont particulièrement dépendants des importations de fertilisants en provenance des pays du Golfe, transitant par le détroit.

Dans l’hémisphère sud, les récoltes des cultures de céréales secondaires de 2025 sont en cours. Dans l’ensemble, la production de maïs s’établit au-delà de celle de l’année dernière et de la moyenne quinquennale. Au Brésil, les bonnes perspectives concernant les prix ont soutenu l’augmentation estimée des superficies, et les conditions météorologiques globalement favorables devraient permettre une modeste augmentation des rendements. Les prévisions de production de maïs pour l’Argentine sont en hausse, grâce à une pluviométrie favorable, mais demeureront très certainement inférieures à la moyenne quinquennale. En Afrique du Sud, nous attendons une amélioration des récoltes en 2025 grâce à des conditions météorologiques favorables, après une récolte 2024 pénalisée par la sécheresse.

Le déficit d’offre continuera de peser sur le marché des commodités agricoles non-céréalières

Contrairement aux céréales, d’autres matières première agricoles souffrent d’un déficit de production. C’est le cas pour le cacao de manière structurelle, et pour le sucre de façon plus ponctuelle. Tout fléchissement de la production met sous pression la chaîne de valeur, alors que la demande, elle, reste dynamique. La concentration de la chaine d’approvisionnement accroit un peu plus encore la vulnérabilité de ces marchés. Par exemple, la Côte d’Ivoire et le Ghana assurent à eux deux 60% de la production mondiale de cacao. Or la production du Ghana a baissé de près de 50% depuis 2021, quand, dans le même temps, elle a stagné en Côte d’Ivoire. Ce ralentissement a conduit à l’explosion des prix internationaux, multipliés par trois en deux ans et se stabilisent à des niveaux quatre fois supérieurs à la moyenne de 2015-2019. Il en est de même pour le café dont les prix ont été multiplié par deux en deux ans. Les conditions météorologiques en Afrique de l’Ouest (cacao) et en Asie du Sud-Est (café), auquel il faut ajouter la baisse de rendements structurelles des exploitations, ainsi que les faibles revenus des producteurs ont pesé sur la production dans un contexte de demande en hausse continue.

En 2025, l’intensification des tensions commerciales fragilisera l’agroalimentaire mondial

Les produits agroalimentaires sont au cœur de la guerre commerciale. L’UE apparaît, pour le moment, comme la principale région potentiellement lésée compte tenu du poids important de l’agroalimentaire dans ses exportations. La France, l’Espagne et l’Italie semblent être les plus vulnérables à une contraction des exportations agroalimentaires vers les Etats-Unis et seraient donc affectés par une hausse des droits de douane appliqués par l’administration de Donald Trump. Les segments viti-vinicole, laitier et confiserie semblent les plus à risque. Sur le front asiatique, les spiritueux européens (notamment les cognacs et armagnacs français) sont taxés depuis octobre 2024 par la Chine, en représailles aux barrières douanières européennes sur les véhicules électriques chinois. La Chine est le second marché à l’export des cognacs (français), avec 20% des exportations, derrière les Etats-Unis (40%). Ces deux pays sont d’autant plus clés sur ce segment que 95% des cognacs français sont destinés à l’export. Sur les deux derniers mois de 2024, les exportations de cognac vers la Chine se sont ainsi effondrées de 76% (par rapport à novembre-décembre 2023) et de 59% par rapport à la même période 2019.

La guerre commerciale pourrait également être préjudiciable aux producteurs céréaliers américains. Les mesures de représailles chinoises visent en premier lieu les produits agricoles américains – sur lesquels Pékin a mis en place des droits de douane de 10% à 15% – et notamment le soja (10%). La Chine en est le premier importateur mondial et la première destination à l’export des Etats-Unis. En 2018, lors du premier mandat de D. Trump, les autorités chinoises avaient déjà ciblé le soja américain. Les exportations américaines de soja vers la Chine avaient alors chuté de 75%, passant de 12 Mds USD en 2017 à 3 Mds USD un an plus tard. La contraction des importations chinoises serait alors synonyme de baisse du prix du soja américain. Sans garantie de pouvoir reporter ces exportations vers d’autres marchés (ex : l’UE), les producteurs américains devraient donc largement pâtir des mesures douanières de D. Trump.

En outre, certains pans de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire aux Etats-Unis sont très dépendants de la main d’œuvre étrangère. Ainsi, 21% de la main d’œuvre employée dans la transformation de viande est constituée de migrants illégaux. Ce chiffre atteint 42% pour la production végétale. Ces secteurs pourraient, par conséquent, payer le durcissement de la politique migratoire américaine. A court terme, cela devrait se traduire par un déficit de main d’œuvre et donc un ralentissement de l’activité, entrainant des pertes de revenus potentielles pour les entreprises. A plus long terme, nous attendons une augmentation des coûts de production, portée par une revalorisation des salaires dues à la potentielle embauche de travailleurs étrangers légaux ou de citoyens américains. Dans un contexte de ralentissement économique américains (+1.0% de croissance du PIB prévu par Coface en 2025), les entreprises du secteur feront alors face au double défi de l’érosion de leurs marges et de l’atonie de la demande.

Perspectives des principales matières premières agricoles pour 2025

Blé – Les dernières prévisions de la FAO concernant la production de blé en 2025 s’élèvent à 800 millions de tonnes, ce qui correspond à la production de l’année précédente (+0,3% g.a). La demande mondiale restera stable en 2025. Nous prévoyons donc que les prix de la tonne de blé resteront à des niveaux relativement bas, aux alentours des 250 USD/t (-7% g.a)

Maïs – La production mondiale de maïs devrait atteindre un niveau record en 2025, selon les dernières prévisions de la FAO, avec une hausse estimée à 3,5 % par rapport à 2024, pour s’établir autour de 1,2 milliard de tonnes. Cette progression est principalement portée par l’amélioration des rendements au Brésil et en Inde, où la demande intérieure pour l’alimentation animale et industrielle a stimulé les mises en culture. En revanche, des baisses sont attendues dans l’UE, en raison de conditions climatiques peu favorables et de révisions des superficies plantées. La consommation mondiale de maïs devrait également progresser légèrement (+0,3 % g.a), atteignant 1,5 milliard de tonnes, soutenue par une utilisation accrue dans l’alimentation animale et l’industrie. Au premier semestre 2025, les prix mondiaux du maïs ont connu une baisse notable sous l’effet de l’offre abondantes en provenance d’Amérique du Sud. À moyen terme, les prix devraient rester orientés à la baisse. Sur l’année, nous anticipons un prix moyen de 210 USD/t, soit une baisse d’environ 20 % par rapport à 2024.

Soja – La production mondiale de soja devrait très légèrement progresser en 2025 selon la FAO (+1,4%, 427 Mt), après une augmentation de 6% la saison dernière. Elle progresse essentiellement au Brésil et demeure stable en Argentine et aux Etats-Unis. Seule l’Europe, et notamment la France, semble voir sa modeste production diminuer. Côté demande, la Chine a été le principal moteur de la demande mondiale et stabilise désormais. Alors que Pékin avait déjà opéré un pivot dans ses importations des Etats-Unis (-31% depuis 2017) vers le Brésil (+48% sur la même période), les récentes représailles douanières chinoises devraient accentuer ce phénomène. Nous prévoyons par conséquent des prix relativement stable en 2025 (-2% g.a), aux alentours des 425 USD/t.

Riz – La production mondiale de riz devrait encore augmenter en 2025, selon la FAO, sous l’effet, principalement de la forte expansion des superficies cultivées, de près de 1% et atteindre des niveau record (552 millions de tonnes, en équivalent riz usiné). La croissance de la consommation de riz restera dynamique (+2% g.a), porté par plusieurs pays africains notamment. La consommation de riz atteindra alors un pic inédit. La réouverture des exportations indienne de riz, en octobre dernier, a également contribué à la baisse des prix sur les marchés internationaux. Nous prévoyons un prix de 430 USD/t en 2025, soit une baisse de près de 25% par rapport au prix moyen en 2024.

Auteurs et experts