Les espoirs d’une paix rapide dans l’Est s’envolent
A partir d’octobre 2023, les combats se sont intensifiés à l’est entre le M23/AFC (Mouvement du 23 mars/Alliance Fleuve Congo) et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), appuyées par des milices armées locales dites « patriotes ». Au début de l’année 2025, le M23 a progressé dans les provinces orientales du Nord et Sud-Kivu, s’emparant des villes stratégiques de Goma et Bukavu en janvier et février. Le cessez-le-feu, signé le 24 avril 2025 sous médiation qatarie et réaffirmé par une déclaration de principes le 19 juillet, a été rompu le 10 août et les combats, dont les deux parties se rejettent la responsabilité, se poursuivent, compromettant les perspectives de paix. Le M23 exige la libération de plus de 700 prisonniers et entend conserver son contrôle sur les deux provinces du Kivu, rendant tout accord durable incertain. De surcroît, l’absence de dissuasion militaire crédible de la part du gouvernement central et l’émergence de nouvelles milices, comme les Wazalendo, qui appuient les FARDC, compliquent davantage les négociations. Le M23 bénéficie de l’avantage militaire, avec un contingent estimé à 3 000 à 5 000 combattants, un chiffre doublé, selon l’ONU, grâce au soutien des Forces de défense rwandaises (RDF), ce que Kigali continue de nier. La présence administrative étatique à l’est a disparu au bénéfice de celle du M23, alors que la mission armée de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC (SAMIDRC de la SADC) a entamé son retrait depuis la fin avril.
Un accord de paix a été signé le 27 juillet 2025 entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous médiation conjointe des États-Unis et du Qatar. Il prévoit, notamment, le retrait des RDF, et comprend un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité pour traquer les groupes armés et partager des renseignements, des engagements sur le retour des réfugiés, l’accès humanitaire et la coopération avec la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). Son application pourrait se révéler laborieuse. La pression exercée par Washington s’explique par sa volonté d’obtenir un accord minier préférentiel et de sécuriser une chaîne d’approvisionnement stratégique, l’est de la RDC étant riche en ressources naturelles (or, étain, tantale, tungstène). La Chine demeure également un partenaire diplomatique et commercial majeur de la RDC, ses entreprises contrôlant près de 80 % des mines de cuivre et de cobalt du pays. L’accord de 2008 entre ces entreprises et la RDC, prévoyant la construction d’infrastructures en échange de l’accès aux minerais, a été renégocié en 2024 dans un sens plus favorable à cette dernière. Cependant, la société civile estime que le compte n'y est toujours pas. Sur le plan régional, l’Ouganda s’affirme comme un allié militaire : le 20 juin 2025, un accord de coopération a été signé entre les deux pays pour lutter contre les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé, formé à l’origine d’anciens rebelles d’origine ougandaise et affilié à l’État islamique. Kampala cherche à empêcher le retour des attaques sur son sol et à contenir l’emprise du M23 et du Rwanda en renforçant sa présence dans le Grand Nord, notamment en Ituri, une stratégie également adoptée par le Burundi au Sud-Kivu. La MONUSCO a vu son plan de retrait mis en veilleuse et prête son renfort, surtout en Ituri.
Les répercussions des combats sont considérables, tant sur les plans économique et diplomatique que sur le plan humanitaire : 7 millions de déplacés internes, dégradation de la situation sanitaire (épidémie de choléra), aggravation du risque de malnutrition, dans un contexte où près de 72 % de la population vit dans l’extrême pauvreté. Par ailleurs, la prise de contrôle de l’est du pays par les groupes armés ampute l’économie congolaise de revenus extractifs supplémentaires, notamment issus de l’or.
Le cuivre, moteur de la croissance économique
La croissance a légèrement ralenti en 2025, en raison d’une expansion minière moins soutenue, mais devrait se stabiliser en 2026. Le secteur extractif et les projets d’infrastructures associés demeureront néanmoins le point de dynamisme de l’économie. La production minière augmentera, surtout tirée par le cuivre, le cobalt et le zinc, dont les gisements sont situés en dehors des zones de combat, dans le grand Sud (Tanganyika, Katanga et Lualaba). Depuis 2025, le cuivre bénéficie d’une hausse de son cours et de l’expansion de plusieurs sites miniers, notamment celui de Kamoa-Kakula dans la province de Lualaba, dont la production annuelle a atteint les 600 000 tonnes en fin d’année 2025. En février de la même année, le gouvernement a suspendu les exportations de cobalt afin de contrer la chute de son prix, divisé par quatre en trois ans en raison de l’offre surabondante. En 2024, la RDC assurait les trois-quarts de la production mondiale du cobalt. Cette suspension devrait être levée en 2026, à mesure que les prix se redressent, afin de ne pas entraver la production de cuivre, étroitement liée à celle du cobalt. Finalement, le zinc devrait être un important vecteur d’accélération du secteur extractif, grâce à la mise en service complète de la mine de Kipushi, dont la capacité annuelle atteint 278 000 tonnes de concentré. L’exportation de ces ressources s’effectue par camions, surtout jusqu’au port de Durban, et marginalement jusqu’à la voie ferrée angolaise menant au port de Lobito, dont les 1300 km ont été rénovés par la Chine. Les États-Unis, l’Union européenne et la Banque africaine de développement se sont engagés à financer la rénovation du tronçon congolais (800km) et son raccordement. Le développement de cette infrastructure, dont le bouclage financier est annoncé pour 2026, améliorera l’attractivité du territoire grâce à l’amélioration du débouché océanique et de la connectivité régionale, favorisant le secteur minier et les exportations. La construction devrait bénéficier de ce projet.
Toutefois, les investissements non-miniers resteront contraints par l’environnement des affaires déficient, affecté par la corruption endémique et les tensions sécuritaires. Les investissements publics et domestiques sont pénalisés par la faiblesse des recettes étatiques, ainsi que par la cherté et la rareté du crédit. Le Programme d’Actions du Gouvernement (2024-2028), d’un montant de près de 93 milliards de dollars, vise à stimuler l’activité économique à travers le soutien à des secteurs clés, tels l’agriculture, le transport et la sécurité. Mais, sa mise en œuvre est lente. Les investissements étrangers se concentrent sur les infrastructures minières et de transport associées (routes, aéroports, port). À titre d’exemple, le projet de port en eau profonde de Banana, situé sur l’étroite façade maritime, est cofinancé par la société émiratie DP World et le fonds public britannique British International Investment (BII), pour un montant total d’environ 1,2 milliard USD. La première phase, dont l’achèvement est prévu fin 2026, permettra au port d’accueillir de grands navires, avec une capacité annuelle de traitement de 450 000 EVP et une zone de stockage de 30 hectares. La consommation privée, qui constitue 63% du PIB, demeure empreinte par la crise humanitaire découlant du conflit à l’Est du pays. Toutefois, l’inflation continuera de s’adoucir grâce à la stabilisation du taux de change face au dollar étasunien, l’affaiblissement des prix mondiaux du pétrole brut, et la politique monétaire restrictive. La Banque Centrale du Congo devrait progressivement abaisser son taux, maintenu à 25% lors de sa dernière révision en juillet 2025, pour soutenir la croissance économique.
La perte de contrôle à l’Est freine la réduction des déficits jumeaux
Le déficit budgétaire s’est creusé en 2025 en raison du conflit armé. Les dépenses sécuritaires atteignent désormais 2% du PIB, tandis que le gouvernement a doublé les salaires des militaires, lesquels représentent désormais 24,5 % de la masse salariale publique, elle-même équivalente à 4,8 % du PIB. A l’inverse, les recettes ont diminué du fait de la perte de contrôle sur les territoires d’Ituri, du Nord et Sud Kivu, entrainant une baisse estimée à 4% des recettes attendues issues de la taxation minière. La production d’or, mais aussi d’étain, de tungstène et de tantale, issue de mines artisanales sous contrôle ou emprise rebelle, est acheminée clandestinement par voie terrestre vers les pays voisins (Ouganda, Rwanda), avant d’être exportée, souvent depuis le Kenya, vers les Emirats arabes unis pour y être transformée puis vendue à l’international. Face à cet affaiblissement étatique, un budget révisé a été adopté par l’Assemblée nationale en juin 2025, affichant des recettes en baisse de 2,5 points de pourcentage par rapport au budget initial. En conséquence, l’enveloppe des dépenses a elle aussi été réduite de 1,7 point. Les principales mesures d’austérité ont concerné la diminution des budgets alloués aux institutions ministérielles et législatives. En 2026, le déficit devrait s’améliorer très légèrement à condition que certaines réformes prévues dans le programme du FMI soient mises en œuvre, notamment la suppression des exonérations de TVA et de droits de douane sur les produits de première nécessité. Par ailleurs, les recettes issues du secteur extractif, qui représentent environ 30% des recettes publiques, devraient contribuer à contenir le déficit. Depuis janvier 2024, la joint-venture minière sino-congolaise Sicomines verse une redevance annuelle de 1,2% de son chiffre d’affaires à l’Etat.
Le financement du déficit repose principalement sur des ressources extérieures multilatérales, surtout des prêts-projets et du soutien budgétaire (2,2% du PIB en 2025). En janvier 2025, le FMI a approuvé deux accords d’une durée de 38 mois : une Facilité élargie de crédit (FEC) d’un montant de 1,7 milliard de dollars, et une Facilité pour la résilience et la durabilité de 1 milliard de dollars. 523 millions de dollars ont déjà décaissés au titre de la FEC. Le ratio d’endettement public, modéré, devrait rester stable, avec une part extérieure (64,5% du total) équitablement répartie entre multilatéraux (FMI, Banque Mondiale) et bilatéraux ; la créance chinoise représentant 4,7% du PIB en 2024. La dette domestique est principalement constituée d’arriérés (6,4% du PIB).
En 2026, le modéré déficit de la balance courante se réduira légèrement grâce à l’amélioration de l’excédent commercial. Les exportations, quasi exclusivement issue du secteur extractif, progresseront à un rythme supérieur à celui des importations. La RDC pourra notamment compter sur le cuivre, brut et raffiné, dont les prix élevés et l’expansion terminée de la mine de Kamoa-Kakula renforceront les recettes. En 2026, les exportations de cobalt auront repris, bien que potentiellement encadrées par des quotas visant à faire gonfler les cours. La RDC exporte également de l’or, des diamants et du pétrole brut. Bien que les combats dans l’Est du pays nuisent aux échanges, les minerais étant principalement acheminés par camions, les principaux sites miniers sont situés hors des zones de conflit. Les échanges commerciaux avec la Chine, qui absorbe 70% des exportations congolaises et fournit 34% des importations, continueront de jouer un rôle central. Les importations de biens d’équipement (40% du total) liées aux projets d’infrastructure, financés par le privé ou le public, via le Programme d’Actions du Gouvernement, resteront élevées. Toutefois, la baisse des prix mondiaux du pétrole raffiné, deuxième poste d’importation, contribuera à alléger la facture globale. Les projets d’infrastructures (mines, transports) alimenteront également le déficit structurel des services. Le déficit des revenus primaires se creusera aussi, en raison de l’expansion du secteur extractif, largement financé par des investisseurs étrangers, dont les bénéfices seront rapatriés. En revanche, la balance des revenus secondaires restera positive, soutenue par les transferts de la diaspora, qui représentent environ 5% du PIB. Le niveau de l’aide internationale demeure incertain, en raison des réductions de l’Aide publique au développement, malgré la persistance de la crise humanitaire. Finalement, le déficit courant sera largement financé par les subventions à projets et les prêts-projets internationaux (0,8% du PIB en 2025), les IDE (2,5% du PIB), ainsi que le soutien financier du FMI et de la Banque mondiale (1,6% du PIB). Au passage, les versements du FMI contribueront à renflouer les réserves, dont la couverture se rapproche progressivement du seuil des trois mois d’importations hors aide.